dimanche 18 mai 2008

godard au cinema experimental


Le film est constitué pour sa bande-son d'un collage de citations de philosophes, peintres, écrivains, dramaturges, poètes, chanteurs, cinéastes. Ces écrits littéraires sont pour la plupart énoncés par Jean-Luc Godard ou Michel Cluny, parfois par des voix féminines. Au début du 1A, Godard se met en scène comme démiurge, assis devant sa machine à écrire travaillant au scénario ou au montage et debout devant son rayonnage de livres. Il s'effacera ensuite devant les textes des autres et se permettra des postures plus drôles ou plus modestes. Il condense alors ses propos sous forme de slogans, souvent bien connus, qui ne passent plus par la bande-son mais interviennent sous forme de cartons sur la bande-image.
Celle-ci alterne extraits de films, tableaux et cartons de textes. Souvent ces trois éléments se superposent progressivement ou violemment s'effacent ou clignotent, à moins que l'un d'eux ne vienne percer le premier pour apparaître au premier plan puis s'effacer.
Dans ce grand poème épique et funèbre Godard tente de relier la vie et la mort, les anciens et les modernes dans l'histoire souffrante et éternelle de la beauté cherchant à s'imposer et parfois hélas à collaborer avec la mort et l'horreur.
Grâce aux ressource de la vidéo, Godard veut aller plus loin que André Malraux et son musée imaginaire et prouver au travers de ces Histoires du cinéma que le cinéma est le musée du réel. Cette tâche prométhéenne se heurte à la vision tragique, non réconciliée, que Godard porte sur le monde : montrer des images n'a de sens que si l'on peut transformer le monde. Mais le cinéma montre justement qu'il ne peut se passer de l'horreur. Reprenant les textes de Maurice Blanchot, Godard conclut ses histoires du cinéma en ces termes :
"L'image est bonheur mais près d'elle le néant séjourne. Et la toute puissance de l'image ne peut s'exprimer qu'en lui faisant appel.(…) L'image capable de nier le néant est aussi le regard du néant sur nous. Elle est légère et il est immensément lourd. Elle brille et il est cette épaisseur diffuse où rien ne se montre."
En d'autres termes, le cinéma ne peut exister qu'avec l'horreur. La mort de l'un signifierait la mort de l'autre, la survie de l'un ne se faisant qu'au prix de la survie de l'autre. Et Godard de rappeler tout au long des huit épisodes que le cinéma n'a pas empêché la seconde guerre mondiale et les camps d'extermination ou que le cinéma est a gun and a girl, séduction et pornographie, résistance et collaboration.
Dès lors, seul le montage peut donner forme à la coexistence de l'image artistique et de l'horreur du monde. C'est cette coexistence qui est source d'émotion et qui rend compte de la vraie nature de l'homme, debout, lucide face au monde.
L'importance du montage est à ce point décisif qu'il ne peut faire l'objet d'un épisode unique puisque présent dans tous. Les huit titres de chacun des épisodes sont rappelés dans chacun des épisodes à partir du 2A. Mais s'en intercale toujours en autre, un neuvième, omniprésent : " Montage mon beau souci ".

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